"Plus tard, la substance est durcie, & les nouvelles empreintes ne marquent plus. Jeune homme, recevez dans votre âme, encore flexible, le cachet de la vérité."

— Rousseau, Jean-Jacques (1712-1778)


Date
1762
Metaphor
"Plus tard, la substance est durcie, & les nouvelles empreintes ne marquent plus. Jeune homme, recevez dans votre âme, encore flexible, le cachet de la vérité."
Metaphor in Context
Vous êtes dans l’âge critique où l’esprit s’ouvre à la certitude, où le coeur reçoit sa forme & son caractère, & où l’on se détermine pour toute la vie, soit en bien, soit en mal. Plus tard, la substance est durcie, & les nouvelles empreintes ne marquent plus. Jeune homme, recevez dans votre âme, encore flexible, le cachet de la vérité. Si j’étois plus sûr de moi-même, j’aurois pris avec vous un ton dogmatique et décisif: mais je suis homme, ignorant, sujet à l’erreur; que pouvais-je faire? je vous ai ouvert mon coeur sans réserve; ce que je tiens pour sûr, je vous l’ai donné pour tel; je vous ai donné mes doutes pour des doutes, mes opinions pour des opinions; je vous ai dit mes raisons de douter & de croire. Maintenant, c’est à vous de juger: vous avez pris du temps; cette précaution est sage & me fait bien penser de vous. Commencez par mettre votre conscience en état de vouloir être éclairée. Soyez sincère avec vous-même. Appropriez-vous de mes sentiments ce qui vous aura persuade, rejetez le reste. Vous n’êtes pas encore assez dépravé par le vice pour risquer de mal choisir. Je vous proposerois d’en conférer entre nous; mais sitôt qu’on dispute on s’échauffe; la vanité, l’obstination s’en mêlent, la bonne foi n’y est plus. Mon ami, ne disputez jamais, car on n’éclaire par la dispute ni soi ni les autres. Pour moi, ce n’est qu’après bien des années de méditation que j’ai pris mon parti: je m’y tiens; ma conscience est tranquille, mon coeur est content. Si je voulois recommencer un nouvel examen de mes sentiments, je n’y porterais pas un plus pur amour de la vérité; & mon esprit, déjà moins actif, seroit moins en état de la connaître. Je resterai comme je suis, de peur qu’insensiblement le goût de la contemplation, devenant une passion oiseuse, ne m’attiédit sur l’exercice de mes devoirs, & de peur de retomber dans mon premier pyrrhonisme, sans retrouver la force d’en sortir. Plus de la moitié de ma vie est [106] écoulée; je n’ai plus que le tems qu’il me faut pour en mettre à profit le reste, & pour effacer mes erreurs par mes vertus. Si je me trompe, c’est malgré moi. Celui qui lit au fond de mon coeur sait bien que je n’aime pas mon aveuglement. Dans l’impuissance de m’en tirer par mes propres lumières, le seul moyen qui tue reste pour en sortir est une bonne vie; & si des pierres mêmes Dieu peut susciter des enfants à Abraham, tout homme a droit d’espérer d’être éclairé lorsqu’il s’en rend digne.
(IV, pp. 328-9 in Everyman)
Provenance
Reading
Citation
Over 20 entries in ESTC (1762, 1763, 1765, 1767, 1768, 1773, 1774, 1779, 1780, 1781, 1783, 1785, 1799).

See William Kenrick's translation: Emilius and Sophia: or, a New System of Education. Translated from the French of J. J. Rousseau, Citizen of Geneva. By the translator of Eloisa, 2 vols. (London: Printed for R. Griffiths, 1762). <Link to ECCO>

Reading in Jean-Jacques Rousseau. Émile, trans. Barbara Foxley (London: J.M. Dent, 1993).

French text from Jean-Jacques Rousseau, Collection complète des oeuvres, 17 vols (Genève, 1780-1788). <Rousseau Online>
Date of Entry
01/10/2014

The Mind is a Metaphor is authored by Brad Pasanek, Assistant Professor of English, University of Virginia.