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22140,Impressions,"",,"""Après avoir ainsi, de l’impression des objets sensibles & du sentiment intérieur qui me porte à juger des causes selon mes lumières naturelles, déduit les principales vérités qu’il m’importoit de connaître, il me reste a chercher que, es maximes j’en dois tirer pour ma conduite, & quelles règles je dois me prescrire pour remplir ma destination sur la terre, selon l’intention de celui qui m’y a placé.""",2013-08-14 00:48:42 UTC,Reading,"",6428,"Après avoir ainsi, de l’impression des objets sensibles & du sentiment intérieur qui me porte à juger des causes selon mes lumières naturelles, déduit les principales vérités qu’il m’importoit de connaître, il me reste a chercher que, es maximes j’en dois tirer pour ma conduite, & quelles règles je dois me prescrire pour remplir ma destination sur la terre, selon l’intention de celui qui m’y a placé. En suivant toujours ma méthode, je ne tire point ces règles des principes d’une haute philosophie, mais je les trouve au fond de mon coeur écrites par la nature en caractères ineffaçables. Je n’ai qu’à me consulter sur ce que je veux faire: tout ce que je sens être bien est bien, tout ce que je sens être mal est mal: le meilleur de tous les casuistes est la conscience; & ce n’est que quand on marchande avec elle qu’on a recours aux subtilités du raisonnement. Le premier de tous les soins [53] est celui de soi-même: cependant combien de fois la voix intérieure nous dit qu’en faisant notre bien aux dépens d’autrui nous faisons mal! Nous croyons suivre l’impulsion de la nature, & nous lui résistons; en écoutant ce qu’elle dit à nos sens, nous méprisons ce qu’elle dit à nos coeurs; l’être actif obéit, l’être passif commande. La conscience est la voix de l’âme, ces passions sont la voix du corps. Est-il étonnant que souvent ces deux langages se contredisent? & alors lequel faut-il écouter? Trop souvent la raison nous trompe, nous n’avons que trop acquis le droit de la récuser; mais la conscience ne trompe jamais; elle est le vrai guide de l’homme: elle est à l’âme ce que l’instinct est au corps; qui la suit obéit à la nature, & ne craint point de s’égarer. Ce point est important, poursuivit mon bienfaiteur, voyant que j’allais l’interrompre: souffrez que je m’arrête un peu plus à l’éclaircir.
(IV, 298-9)","Book IV, The Creed of the Savoyard Curate",2014-01-10 20:47:53 UTC
22571,Impressions,"",,"""Sans cet art, mon âme se pliant avec peine à des biais chimériques, l’illusion ne serait que momentanée et l’impression faible et passagère. [Without this art, my mind would easily take to the paths of fantasy, there would be only a fleeting illusion and a faint, passing impression.]""",2013-08-25 21:49:39 UTC,Reading,"",7654,"This author does not send blood flowing down the walls, he does not transport you to distant lands, he does not expose you to being eaten by savages, he does not confine himself within the secret haunts of debauchery, he never wanders off into the world of fantasy. The world we live in is his scene of action, his drama is anchored in truth, his people are as real as it is possible to be, his characters are taken from the world of society, his events belong to the customs of all civilized nations; the passions he portrays are those I feel within me; the same things arouse them, and I recognize their force in myself; the problems and afflictions of his people are of the same kind as those which constantly hang over me; he shows me the general course of life as I experience it. Without this art, my mind would easily take to the paths of fantasy, there would be only a fleeting illusion and a faint, passing impression.
[Cet auteur ne fait point couler le sang le long des lambris; il ne vous transporte point dans des contrées éloignées; il ne vous expose point à être dévoré par des sauvages; il ne se renferme point dans des lieux clandestins de débauche; il ne se perd jamais dans les régions de la féerie. Le monde où nous vivons est le lieu de la scène; le fond de son drame est vrai; ses personnages ont toute la réalité possible; ses caractères sont pris du milieu de la société; ses incidents sont dans les mœurs de toutes les nations policées; les passions qu’il peint sont telles que je les éprouve en moi; ce sont les mêmes objets qui les émeuvent, elles ont l’énergie que je leur connais; les traverses et les afflictions de ses personnages sont de la nature de celles qui me menacent sans cesse; il me montre le cours général des choses qui m’environnent. Sans cet art, mon âme se pliant avec peine à des biais chimériques, l’illusion ne serait que momentanée et l’impression faible et passagère.]","",2013-08-25 21:49:39 UTC
23326,Impressions,"",,"""Plus tard, la substance est durcie, & les nouvelles empreintes ne marquent plus. Jeune homme, recevez dans votre âme, encore flexible, le cachet de la vérité.""",2014-01-10 21:25:47 UTC,Reading,"",6428,"Vous êtes dans l’âge critique où l’esprit s’ouvre à la certitude, où le coeur reçoit sa forme & son caractère, & où l’on se détermine pour toute la vie, soit en bien, soit en mal. Plus tard, la substance est durcie, & les nouvelles empreintes ne marquent plus. Jeune homme, recevez dans votre âme, encore flexible, le cachet de la vérité. Si j’étois plus sûr de moi-même, j’aurois pris avec vous un ton dogmatique et décisif: mais je suis homme, ignorant, sujet à l’erreur; que pouvais-je faire? je vous ai ouvert mon coeur sans réserve; ce que je tiens pour sûr, je vous l’ai donné pour tel; je vous ai donné mes doutes pour des doutes, mes opinions pour des opinions; je vous ai dit mes raisons de douter & de croire. Maintenant, c’est à vous de juger: vous avez pris du temps; cette précaution est sage & me fait bien penser de vous. Commencez par mettre votre conscience en état de vouloir être éclairée. Soyez sincère avec vous-même. Appropriez-vous de mes sentiments ce qui vous aura persuade, rejetez le reste. Vous n’êtes pas encore assez dépravé par le vice pour risquer de mal choisir. Je vous proposerois d’en conférer entre nous; mais sitôt qu’on dispute on s’échauffe; la vanité, l’obstination s’en mêlent, la bonne foi n’y est plus. Mon ami, ne disputez jamais, car on n’éclaire par la dispute ni soi ni les autres. Pour moi, ce n’est qu’après bien des années de méditation que j’ai pris mon parti: je m’y tiens; ma conscience est tranquille, mon coeur est content. Si je voulois recommencer un nouvel examen de mes sentiments, je n’y porterais pas un plus pur amour de la vérité; & mon esprit, déjà moins actif, seroit moins en état de la connaître. Je resterai comme je suis, de peur qu’insensiblement le goût de la contemplation, devenant une passion oiseuse, ne m’attiédit sur l’exercice de mes devoirs, & de peur de retomber dans mon premier pyrrhonisme, sans retrouver la force d’en sortir. Plus de la moitié de ma vie est [106] écoulée; je n’ai plus que le tems qu’il me faut pour en mettre à profit le reste, & pour effacer mes erreurs par mes vertus. Si je me trompe, c’est malgré moi. Celui qui lit au fond de mon coeur sait bien que je n’aime pas mon aveuglement. Dans l’impuissance de m’en tirer par mes propres lumières, le seul moyen qui tue reste pour en sortir est une bonne vie; & si des pierres mêmes Dieu peut susciter des enfants à Abraham, tout homme a droit d’espérer d’être éclairé lorsqu’il s’en rend digne.
(IV, pp. 328-9 in Everyman)","Book IV, Creed of the Savoyard Curate",2014-01-10 21:26:01 UTC